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Mon cheminement de conteur proprement dit a débuté en 1996. C’est dans l’archipel britannique, où je vivais alors, que j’ai fait mes premiers pas sur la route aux histoires, aux côtés de deux jeunes conteuses devenues depuis des artistes de renom outre Manche : Katy Cawkwell et Vergine Gulbenkian. Breton exilé au Royaume-Uni pour ses études, et de longue date amoureux des cultures celtiques anciennes et modernes, c’est tout naturellement que la matière de Bretagne d’abord, puis d’Irlande, d’Ecosse et du Pays de Galles m’a imprégné. De retour en France, j’ai ensuite fondé et dirigé l’atelier contes de la Mission Bretonne, à Paris. J’ai par la suite eu le privilège de travailler sous la direction de Bruno De La Salle au sein de l’Atelier Fahrenheit 451, au CLiO (Centre de Littérature Orale de Vendôme). C’est dans ce magnifique lieu, cette troupe qui n’en portait pas le nom, que j’ai réellement approfondi l’art du conte comme performance totale : orale, visuelle et musicale. De ce long compagnonnage est né l’Exil des Fils d’Uisliu, une épopée ancienne qui est à la culture irlandaise ce que l’histoire de la Guerre de Troie est à la culture grecque antique.
Mais pourquoi raconter ?
Fils d’un émigré breton « monté » à Paris dans les années 1960-1970, j’ai toujours eu une conscience aiguë de ce cette singularité de l’âme bretonne, que l’on peut nommer de différents noms : rêverie, imagination – ou, qualifier par raillerie, de « quatorze vents sous le chapeau ». Or ces vents-là, ai-je découvert plus tard, sont un trésor ; pas une honte. Ils sont le recours suprême des petits affrontés aux grands ; ils sont la planche de salut du faible acculé par le fort. Ces vents-là, ils tracent bien des chemins, même dans les forêts les plus sombes et les plus périlleuses. Ces vents-là, ils ouvrent bien des fenêtres, même dans les plus épais et crénelés des murs. Ils sont la gloire des manants, des sans-grade, et des enfant
Ce n’est pas la parole rationnelle, ce sont les paroles narratives, ces voix ailées, qui nous enseignent les fondements de notre nature et du monde, qui nous guident sur les chemins de la vie, sur tous les chemins de la vie les tristes, les joyeux, les âpres, les doux, et ce depuis nos premiers instants.
...Et pourquoi raconter un ensemble de répertoires auquels s’identifier ?
Oui, conter, c’est exercer son humanité ; c’est aussi en devenir le co-auteur, avec son auditoire, partenaire de conte – auctor : celui qui fonde, mais aussi qui augmente. La singularité assumée, la sincérité profonde de ces paroles celtiques que je cultive comme mon jardin premier, c’est paradoxalement pour moi un engagement humaniste, un engagement universaliste.
En me livrant dans mon histoire personnelle, ancrée dans ces terres d’histoires si singulières, qui sont miennes par héritage autant que par voyage dans le temps et l’espace, en ouvrant grandes les portes de cette maison-culture partagée le temps du récit, je donne à chacun-e à s’y voir, en creux ou en plein.
Le conte tisse des liens de moi à l’autre / aux autres, et inversement. Il nous relie par-delà nos différences de surface, qui sont autant de ressemblances profondes. Egalement sujets, également agents de ce bel acte partagé qu’est la parole contée, ce concentré d’humanités.
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